A table avec Marie
Cuisine de chef et ambiance chatoyante
PHOTOGRAPHE: MAGALI PERRUCHINI
Après avoir lancé Butter in the Shutter – des ateliers pour enfants inédits de pâtisserie et photographie – Marie Chavarot se lance un nouveau défi avec Marie Made, des créations culinaires de saison pour aider les gens à mieux se nourrir au bureau. Nous l’avons rencontré le jour de sa première livraison de lunch box à un comité de direction de 11 personnes, enthousiaste et pleine d’énergie, en pleine préparation de son diner de copines du soir. Entretien.
nous: Bonjour Marie ! Pourrais-tu nous raconter ton histoire, ton parcours ?
Je suis Marie Chavarot, passionnée de tout ce qui est food, culinaire, création, image. J’ai travaillé pendant 18 ans en agence de pub, pour les plus gros clients dans le monde entier, avec toujours cette passion et volonté de faire de ma vie professionnelle quelque chose autour du culinaire. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui.
J’ai passé mon CAP pâtisserie en candidat libre aux cours du soir de la mairie de Paris en 2014. Il faut imaginer ce que c’est de passer son CAP à 40 ans: c’est cours du soir et production intensive le weekend, tu prends 10 kilos ainsi que les nanas de ton équipe du boulot à qui tu apportes ta production le lundi matin; et pendant l’examen au milieu des gamins de 16 ans tu galères avec tes croissants et ta pâte à choux qui ressemble à rien pendant que les jeunes se font aider par les surveillants. Mais à la fin tu l’obtiens !
J’ai fait tout ça pour développer mon concept d’ateliers pour enfants, Butter in the shutter, autour de la pâtisserie et de la photographie. L’idée est de transmettre le goût aux enfants par le plaisir de créer. J’organise ces ateliers dans des festivals (Art’è Gustu, Carreau du Temple…) ou chez les particuliers avec une thématique différente à chaque fois, autour de laquelle je crée une animation et une recette que les enfants s’approprient et personnalisent. A la fin on fait un photoshoot des enfants avec leurs gâteaux.
Ma vocation, ma mission, c’est la transmission du goût. En ce moment, je développe une nouvelle activité qui est de nourrir les gens dans les bureaux. J’ai tellement souffert de déjeuners sans goût, chers, sans intérêt… Le déjeuner est devenu un moment mécanique, on est la tête dans le boulot, on ne pense même plus à ce qu’on mange. Moi j’ai envie d’apporter aux gens des déjeuners savoureux, faits avec les meilleurs ingrédients, comme s’ils venaient déjeuner chez moi. Parce que c’est important de prendre le temps au déjeuner de se reconnecter à ce qu’on mange, de se réincarner. Si on se nourrit mal on fonctionne mal. C’est un principe de l’Ayurveda – auquel je me suis beaucoup intéressée. Se nourrir, c’est nourrir son âme, son corps et sa vie. Si on mange mal, on est mal dans sa vie, on travaille moins bien, on a moins d’idées. C’est pour ça que je veux donner aux gens un bon déjeuner.
[Marie finit d’ajouter les pommes à sa préparation de tarte.]
Vous voulez goûter ?
C’est une tarte crème d’amandes et pommes à base d’une farine de blé ancien achetée auprès du boulanger de la rue du Nil qui se fournit exclusivement en farine de blé ancien bio chez Roland Feuillas et autres meuniers pour fabriquer tous ses pains et pâtisseries. Je fais toutes mes tartes avec cette farine. Ca change tout au goût et surtout le gluten du blé est très digeste et nourrissant pour l’organisme. Le boulanger de la rue du Nil est un des rares à faire du blé ancien, avec Christophe Vasseur du Pain & des Idées. Le blé ancien n’a rien à voir avec les blés d’aujourd’hui que les industriels agroalimentaires ont trafiqués et tués. Les blés d’aujourd’hui ont été ultra standardisés, pour être facilement panifiables en machine, ils mesurent 50cm de moins que ceux d’hier quand ils poussent, ils n’ont pas de vie. Les gens accusent le gluten alors que c’est le blé d’aujourd’hui qui n’est pas digeste. Je suis habitée par le sujet du blé vraiment, c’est mon combat, j’ai envie de faire pousser du bon blé dans Paris.
Pour le repas, je suis partie du menu du premier déjeuner que j’ai livré à un Comité de Direction de 11 personnes avec un clin d’œil à leur business qui est de fournir tous les poissons à la grande distribution. J’ai fait une recette de maquereau que j’adore. Je le fais mariner la veille avec du curcuma, de la bergamote et un citron de chez Baches (un agrume orangé), du persil frais, de la ciboulette fraiche, et de l’huile d’olive. Je l’accompagne d’une fondue de poireau faite au ghee (un beurre clarifié avec lequel je cuisine beaucoup), et d’un riz basmati. Et en dessert ce sera ma tarte pomme amande.
La table de ce soir est dans les mordorés parce que j’ai envie de quelque chose de chaud et joyeux en même temps. On mélange les matières et ça donne un effet pre-christmas, très enveloppant, chaleureux et joyeux. Je trouve qu’on ressent bien la joie de la lumière, du mordoré. Ma mère a toujours travaillé dans les arts de la table, elle a été scénographe et styliste, et moi j’ai grandi là dedans. Même si c’était juste nous dans la cuisine, il y avait toujours l’eau dans les carafes, jamais de pot ou de bouteille plastique à table. Quand je reçois je fais une nouvelle décoration, une nouvelle table, parce que j’ai envie de partager mon univers avec les gens qui viennent chez moi.
Ca me déprime quand je vais diner chez les gens et qu’il n’ y a rien, pas de décoration, pas d’intention, de générosité, je trouve que ça rend triste. Quand je cuisine, je mets mon cœur, moi, mon âme, et bien c’est pareil pour la table, quand on va diner chez quelqu’un, la table ca fait partie de l’expérience et du moment. Le partage c’est quelque chose qui m’est super cher. Une table jolie c’est du partage.
Je suis hyper sensible à l’esthétisme. Pour ça j’ai vraiment été influencée par ma mère. Ma deuxième reconversion ce sera dans la décoration ! Tous les mois je change les tableaux, les photos, les canapés de place et toute la disposition des meubles dans l’appartement. Le salon a changé 3 fois en 2 mois. J’ai vraiment besoin d’être inspirée chez moi, d’autant que je travaille ici maintenant. J’ai beaucoup de livres de photo et de livres d’art que je mets en exposition, pour les voir au quotidien, et puis je les change régulièrement. Je suis très sensible à l’image. J’ai aussi besoin de couleur et d’épuré. J’ai travaillé avec Amandine Gallienne, une amie coloriste, pour mettre des touches de couleur dans l’appartement. C’est elle qui a eu l’idée de faire les tranchants de la bibliothèque dans le même bleu gris que que le mur de droite. Ces touches de couleurs m’inspirent. Quand je les regarde je me sens bien, je les redécouvre à chaque fois et je suis contente d’avoir cette surprise. Les objets sont apparus au fil de l’eau. J’adore le mélange des univers. Il n’y a pas un style, mais un mélange de styles avec des meubles signés, comme la bibliothèque noire George Nelson des années 50 ou les panneaux de séparation et rideaux de la créatrice Lily Latifi, et des choses plus abordables comme la table avec son plateau en liège par la designer Ilse Crawford en série limitée chez Ikea, des objets souvenirs ou rapportés de voyage comme l’éléphant en bois teck de Birmanie et les photophores en marbre sculpté du Sud des Philippines… J’ai une passion pour les objets.
Les bonnes adresses de Marie dans son quartier (Montparnasse/Raspail)
Le Cette, un petit bistrot tout simple qui fait une cuisine exceptionnelle
Le bar de la closerie des Lilas pour un verre après le diner, au piano bar
Le Rosebud, le bar a cocktail de la rue Delambre, dans son jus, inchangé depuis les années 30
Sauvage, rue du Cherche Midi, le secret le mieux gardé du quartier, un petit bistrot simple avec une cave et une cuisine incroyable et sans chichis
Le fleuriste de la rue Delambre
Ses meilleurs fournisseurs
Le Dôme pour sa poissonnerie
La boucherie Desnoyers rue Boulard, pour son veau extraordinaire
Terroirs d’Avenir, rue du Nil, pour l’épicerie, la poissonnerie, le maraicher, la boucherie et maintenant la boulangerie: ce ne sont que les meilleurs produits de producteurs, c’est ultra frais, ils ont un choix extraordinaire
La cave à épices de Roellinger, rue Sainte Anne
Issé, rue Saint Augustin, pour le thé vert
Ses restaurants/chefs du moment
Pierre Sang (Paris 11è), Potoca (Paris 7è), Fulgurances (Paris 11è, résidence de chefs) et son dernier chouchou Vantre dans le 11ème ouvert il y a trois mois par deux ex sommeliers du Bristol
Le diner de ses rêves
Sur la plage de Byron Bay en Australie / Une grande tablée avec tous mes amis de tous les pays réunis, mes parents, mes frères et sœurs / Un menu préparé par un jeune Chef Australien, un jeune Chef Japonais, un jeune Chef Français et un sommelier qui choisit chaque vin associé à chaque Chef