Bureau Idéal
Girotondo, une exposition du 11 au 22 octobre 2022
GIROTONDO
11 – 22 octobre 2022
Vernissage en présence des artistes le 11 octobre de 16h à 20h
nous, 19 rue Clauzel, Paris 9
Qu’est ce que vos objets ont d’universel ?
GG: Pour nous les céramiques que nous fabriquons sont des formes incomplètes créées autour de leur vide, donc pour contenir quelque chose : de l’eau, des fleurs, des boissons ou rien. C’est l’utilisateur qui complète l’objet par l’usage qu’il en fait. Nos formes sont volontairement simples sans ajouts de anse, bec, couvercle. De la même façon notre dessin tend à être universel, il suggère quelque chose que tout le monde connait et reconnaît. Ainsi chacun pourra se l’approprier et lui donner un sens et une finalité.
FB: La céramique est une des plus anciennes techniques de fabrication d’objets humaines et elle est toujours actuelle. Si on trouve encore des poteries qui ont quinze ou vingt mille ans, potentiellement quelqu’un pourra retrouver les nôtres dans quinze ou vingt mille ans. Cela nous donne une grande responsabilité, en tant que céramistes de s’inscrire dans cette lignée ; en tant que designer de bloquer une forme pendant aussi longtemps, et pour Giada de délivrer un message pour la postérité.
GG: Oui, avec mes décors je cherche à figer des images et des histoires pour le présent, qui pourront être comprises, lues et interprétées dans le futur. Se prendre la main et tourner en rond a eu une signification avec Matisse, avec Botticelli, dans l’histoire de l’art en général. Et nous en donnons une aujourd’hui en lien avec notre époque (même s’il n’est pas question de se comparer à ces artistes !).
D’où vient ce thème du girotondo ?
GG: J’ai toujours dessiné des gens qui se tenaient par la main. Sur la feuille, il y avait toujours une direction donnée, donc un des deux personnages qui emmenait l’autre, un leader et un suiveur. Quand j’ai commencé à dessiner ces personnages sur des pièces en céramique tournées par François, évidemment les mains se sont rejointes, les deux personnages devenaient égaux et formaient une ronde. Cela m’a fascinée. Car la ronde est une danse, quand tu es dedans tu suis, il n’y a pas quelqu’un qui décide où aller. C’est super intéressant d’avoir un symbole qui met tout le monde sur un pied d’égalité. Dans notre société on est toujours incité à avoir un but, aller plus vite que les autres, se dépasser. La ronde peut être considérée comme un mouvement inutile. Ca me plait beaucoup et je trouve ça très fort. Tous ensemble les personnages mettent leur énergie à un mouvement qui n’a pas d’autre fin que lui même. De là j’ai commencé à réfléchir au jeu d’enfant, parce que la ronde est un jeu d’enfant aussi. Le jeu ne produit rien. Il est une préparation à la vie, il sert à apprendre. A travers le jeu on apprend à être en relation avec l’autre. Peut-être devrait on faire plus de rondes pour apprendre à vivre avec les autres et bouger ensemble sans essayer de prévaloir ? Finalement je trouve que la ronde est un mouvement très démocratique. Quand j’étais petite j’adorais faire les rondes, car c’était une excuse pour entrer en contact avec les autres enfants et être proches d’eux. On n’a rien à faire pour être accepté et entrer dans la chaîne.
FB: L’expression « tourner en rond » décrit une incapacité, une absence de dynamique, c’est négatif. Pourtant c’est un mouvement très puissant. C’est un mouvement qu’on retrouve dans le tour de potier bien sûr mais aussi dans les moteurs de voiture, dans le mouvement de la roue, dans la rotation de la terre, du soleil etc. Ca paraît inutile car on revient toujours au point de départ mais c’est un mouvement fondamental. Il me semble qu’il faut parfois tourner en rond pour avancer, être en attente. On ne peut pas toujours avoir une direction.
Quelle est votre ligne esthétique ?
GG: Mes personnages sont très épurés. Je ne dessine même plus les yeux, ce sont deux traits pour évoquer un visage. Je tends à une simplification des lignes pour rendre mon image la plus universelle possible. Les habits en revanche gagnent en décor. Mes personnages sont pieds nus. Ils portent des vêtements folkloriques et imaginaires, robes, jupes, pantalons bouffants, avec des nœuds et des imprimés, des vêtements qu’on ne peut dater. Par l’habit ils se libèrent des codes et reviennent un peu à l’enfant qu’ils ont été.
Je dessine pour simplifier ce que je vois, mieux comprendre ce qui m’entoure et le rendre plus doux. C’est ce que je veux transmettre. Une vision des choses plus adoucies. Je voudrais montrer que le monde peut avoir encore une saveur de jeu, d’enfance et de simplicité. Et de beau.
FB: Est ce que c’est utile de faire quelque chose de beau ? Est ce que c’est la première réaction que l’on cherche auprès des autres ? On s’est beaucoup posé la question et finalement si au moins on arrive à faire ça, c’est déjà pas mal. J’en suis de plus en plus fier.
GG: Arriver à susciter une émotion ou toucher quelqu’un qui regarde l’objet qu’on a fait, c’est créer un point de rencontre avec la personne. Et ça c’est très fort car cette rencontre dépasse les mots, les barrières linguistiques… J’aurais apporté quelque chose de beau et de positif à leur vie.
Giada Ganassin
Née en 1988 à Ivrea en Italie, Giada suit des études de littératures puis de graphisme à Turin. Après un master Information Design à la Design Academy de Eindhoven, elle s’installe à Paris en 2017 et devient freelance graphisme et illustration. Elle crée Bureau Idéal avec François Bonnot en 2020.
François Bonnot
Né en 1991 à Choisy le Roy, François fait une licence de Design Objet à Reims puis un master Social Design à la Design Academy de Eindhoven. Il crée un atelier partagé à Paris en 2017 pour des missions d’aménagement, agencement, menuiserie principalement pour des vitrines de l’industrie du luxe. Il crée Bureau Idéal avec Giada Ganassin en 2020.