Dans l’atelier de Laurette Broll

Design sensible

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PHOTOGRAPHE: LAURA WENCKER

J
e m’appelle Laurette Broll, je suis céramiste à la Manufacture Pasteur aux Grands Voisins dans le 14ème à Paris où j’ai installé mon atelier en 2016. A l’origine j’ai une formation en matériaux de synthèse à l’ENSAMAA Olivier de Serres et j’ai travaillé comme assistante designer chez Vanessa Mitrani. Après quelques années j’ai eu envie de faire autre chose. En fait, j’avais déjà l’envie d’être céramiste mais, il faut le dire, c’est un peu inavouable comme rêve. Dans l’imaginaire des gens ce n’est pas un métier dont on vit. Pourtant j’ai fait beaucoup de recherches à ce moment là, et je me suis rendue compte qu’il y avait plein de céramistes qui faisaient des choses supers et qui en vivaient. Ca m’a encouragé dans ce projet.

Cette année là je suis partie en voyage au Vietnam où j’ai rencontré des potiers et visité des ateliers; il y a encore un vrai savoir-faire sur place même si ça a beaucoup changé en quelques années. A mon retour j’ai trouvé une annonce sur Leboncoin chez une céramiste, Margaux Lhomme. C’est elle qui m’a donné confiance en ce métier et qui m’a conseillé de continuer à me former au tour chez Tozzola à Ivry sur Seine. Augusto Tozzola est un vieux monsieur italien de 89 ans, assez connu dans le monde de la céramique à Paris. Il est né dans la ville de Faience en Italie où il a appris à tourner à 12 ans. Il est ensuite allé à l’école de céramique de Faience et est devenu potier. A 30 ans il est parti à Paris, il s’est marié avec une française et a créé son école de tournage. J’ai suivi la formation à temps plein pendant 5 mois; c’est lui qui m’a appris à tourner. Le tour c’est génial comme technique parce qu’on peut faire tout le temps des trucs différents: il y a une très grande liberté. En général j’ai une idée en tête que je traduis en dessin – j’ai toujours des mini croquis à partir desquels je pars – et ensuite je tourne. Tourner est ce que je préfère faire. C’est là qu’on touche la matière, qu’on crée la forme. On peut expérimenter sans fin.

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J’ai construit la collection 2016 avec Fanny Muller, une amie designer de l’ENSCI, en partant de l’usage, des formes et des couleurs. Il y a d’abord eu un travail de recherche de formes que j’ai mené sur mon tour et dont est ressorti une forme de théière que tout le monde a aimé. Cette théière associe des lignes rondes organiques et d’autres plus droites et tendues. A partir de là on a développé la collection, les tasses d’abord, puis les bols… En bonne designer, Fanny m’a dit que ce serait bien de lier l’esthétique à l’usage : que les choses s’empilent et puissent se prendre par la main, que la théière ait un filtre et ne goûte pas…

J’ai ensuite développé une gamme d’émaux. J’ai vraiment mis à profit tout l’enseignement d’ATC où j’ai appris à lire et déchiffrer l’encyclopédie de l’émail. L’émail c’est un puit sans fond, si tu veux ne faire que ça, soit t’es moine, soit t’es à la retraite ! A force de travail et d’expérimentations on développe un savoir, on comprend comment tel émail ressort sur telle forme, à tel endroit du four, à tel degré de cuisson.

On a créé cinq gammes de couleur et on les a pensées par rapport au moment de la journée – le goûter, à la saison – l’automne et puis à Noël. C’est comme ça qu’est ressorti cette idée du violet, associé au céladon.

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Aujourd’hui je suis vraiment artisan – même si j’ai mis du temps à accepter ce terme souvent dévalorisé – car j’aime faire avec mes mains. Mais j’ai toujours accordé beaucoup d’importance à l’usage des objets. Je fais du fonctionnel donc si ces objets ne sont pas pleinement fonctionnels ça ne sert à rien.

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Aux US, au Danemark, les céramistes ont des gros ateliers. En France on est tous tout seul. Je me demande si ça va changer.

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