Voyage à Shigaraki Japon
A la rencontre des potiers Ogawa Kenzo, Norikazu et Tanii Hozan
Aller au Japon pour y rencontrer des artisans, c’est mon rêve depuis que j’ai lancé nous. Je ne connais pas le Japon mais je sais l’influence majeure que les potiers japonais ont eu tout au long de l’histoire de la céramique, et la richesse de la création céramique contemporaine.
Evidemment je manifeste mon extrême enthousiasme et le voyage se peaufine et se prépare petit à petit jusqu’à début mars.
Le Japon distingue 6 styles différents sous la dénomination de 6 « fours », qui ont été désignés Sites du Patrimoine Japonais . Shigaraki est l’un d’entre eux . L’art de la céramique dans l’archipel est organisée par « fours » qui représentent des styles distincts. On considère que la céramique japonaise a vu le jour au 13ème siècle après que les techniques ont été importées de Chine. Elle s’est d’abord développée avec la popularité croissante de la cérémonie du thé, puis sous l’influence des daimyo (seigneurs féodaux) pendant l’ère Edo, elle s’est raffinée et différenciée.
Shigaraki est situé au Nord Est de Kyoto, au sud du lac Biwa, entouré par les montagnes d’un côté et le lac de l’autre, sur une terre au sol très riche.
Le programme a duré trois jours durant lesquels j’ai rencontré une dizaine de céramistes. J’ai décidé de vous partager ici le portrait de deux d’entre eux, dont le travail m’a le plus marqué et touché et que nous exposerons a la boutique galerie 19 rue Clauzel du 28 mars au 9 avril 2019.
OGAWA KENZO & OGAWA NORIKAZU
Quand on arrive a l’atelier d’Ogawa Kenzo et de son fils Ogawa Norikazu, un grand sentiment de quiétude commence déjà à nous bercer. La maison et l’atelier, situés en amont et en aval d’une petite colline entourée de forêt, sont entièrement construites en bois et verre dans le pur respect de l’architecture japonaise. On marche en chaussons maison sur des tatamis, on nous invite a boire du thé devant le paysage de campagne de Shigaraki et on parle de céramique, d’inspiration, des amateurs et d’histoire de famille. Norikazu Ogawa, le fils de Kenzo Ogawa est la cinquième génération de potiers. Grâce à Yoko, traductrice franco japonais, nous pouvons avoir une discussion fluide.
Norikazu : Ce n’est pas facile de transmettre notre philosophie a travers les objets. Notre façon de le faire c’est de créer des objets qu’on ne trouve pas ailleurs. On n’est pas nombreux on ne peut pas produire en masse, alors nous favorisons la création de pièces uniques. Les choses qu’on trouve partout, ce n’est pas notre travail.
Je fais une exposition une fois par an, elle a lieu la semaine prochaine a Tokyo. Sinon on vend directement sur place, nous avons beaucoup de visites et certaines personnes attendent même trois ou quatre mois pour avoir leur objet.
Mon père est fils de potier, lui-même troisième génération de potiers. A la fin de ses études a l’université des Arts et Techniques à Kyoto, il travaille a l’institut de recherche industrielle où il a beaucoup étudié l’émail. A 55 ans mon père prend son indépendance et crée son propre atelier ici-même. On est devenu une branche de la famille mère. Aujourd’hui il a 80 ans, cela fait dont 65 ans qu’il est céramiste. Il est toujours au tour et s’améliore de jour en jour. C’est lui qui fabrique toujours nos émaux.
Aujourd’hui les jeunes partent à l’étranger pour trouver de la nouveauté. Mais pour nous chaque jour est différent, chaque jour est nouveau.
TANII HOZAN
C’est une force et un caractère particulier que l’on ressent quand on arrive aux abords de cette ancienne école perdue dans la campagne sur les hauteurs de Shigaraki, devenue l’atelier de Hozan Tanii. Avec sa femme et son sourire plein de malice, Mr Tanii nous accueille au milieu des pièces qui sèchent et de son espace d’exposition.
Hozan Tanii: Je suis de la troisième génération de cette manufacture. Le père de ma femme fabriquait des vases de grandes tailles. Moi je fais surtout de la vaisselle à la japonaise. Pour moi le plus important c’est la vaisselle. Je prépare la terre et les émaux moi même. J’essaie aussi de fabriquer mes propres fours. J’en ai quatorze. J’ai fait le plan de mon four a gaz aussi. Le four Noborigama (en chambres ascendantes) constitue l’un des fondements de la poterie de Shigaraki qui n’est traditionnellement pas émaillée. Avec les fours à bois la glaçure est faite par les cendres qui dissolvent le fer contenu dans la terre. La cuisson au four Noborigama crée un émail naturel par dessus lequel on peut ajouter un autre émail. Mais pour moi la base c’est la cendre. J’expérimente énormément.
Mon thème est la source, le point d’origine. Savez-vous que la création de la terre c’est comme la poterie ? Quand la terre s’est formée il y a plus de 4 milliards d’années, elle n’était que lave en fusion à une étape de sa création, comme les émaux enfermés dans un four, Avec le temps la terre a commencé à refroidir et devient petit à petit la planète qu’on connaît. Quand on fait la poterie et qu’on retire les pièces du four, ca refroidit complètement et voilà les pièces !
Mon thème est la source, le point d’origine.
Savez-vous que la création de la terre c’est comme la poterie ?