Les rythmes d’Emmanuelle Manche

Rencontre avec la céramiste

PHOTOGRAPHIES: MAEVA ALLIO

Entretien avec Emmanuelle Manche dans son atelier à Conflans Ste Honorine: NOUS

C
’est l’arrivée ici qui a tout déclenché. L’idée de cette maison, l’espace qui était là, pour mon atelier. Avec la naissance de ma fille, je me suis dit : c’est maintenant ou jamais. J’avais l’énergie.

J’étais depuis 15 ans dans les métiers de la création publicitaire, après une formation initiale à Olivier de Serres en… céramique. Je n’avais pas perdu le contact avec la terre, mais je ne savais pas comment m’y prendre vraiment. Je me suis inscrite à un cours de tournage chez ATC pendant deux ans. Ca m’a permis de me nourrir de céramique, de me remettre dedans, de rencontrer d’autres céramistes. Tout s’est fait très doucement.

Je n’avais pas les épaules et la maturité pour me lancer à la sortie d’école. A 22 ans j’avais l’impression d’être une petite fille perdue. Je ne voyais pas comment m’en sortir en faisant des marchés de potiers. Il me fallait cette maturité pour pouvoir passer à l’action. Plus jeune on prend les choses très à cœur, aujourd’hui ce sont des choses que j’ai dépassées depuis longtemps. Le regard des autres est toujours important, mais je ne doute pas sur ce que je fais.

J’ai quitté la société pour laquelle je travaillais, et j’ai passé 2 ans à faire un parcours création d’entreprise avec le Pole Emploi. Ca m’a donné la liberté de faire des tests de production, d’expérimenter sans enjeu. J’ai présenté mon travail et eu mes premiers retours. J’ai cherché mon style, je suis allée dans pleins de direction pour voir aussi dans quelles pièces je me sentais à l’aise.

Très rapidement j’ai gravé dans la terre. Au début je ne savais pas d’où venaient tous ces rythmes. Et puis un jour on m’a demandé de définir mon travail. C’est un exercice super difficile la première fois. J’ai appelé mes copains et je leur ai demandé ce que eux voyaient dans ce que je faisais.

Ce qui revenait principalement c’était les couleurs de bord de mer, le sable, les rides de sable quand la mer se retire… C’était si évident. C’est toute mon enfance !

Ce sont toutes ces images que j’ai gardées de la mer, de la Bretagne où j’allais tous les étés en vacances chez ma grand-mère. Toutes ces ridules qui apparaissent quand la mer se retire j’en avais fait des photos et pleins de dessins. Et je n’avais jamais fait le lien. J’avais une fascination pour ces rythmes sur le sable, sur le sol, l’écorce, les vibrations. Tout à coup j’ouvrais les yeux et je voyais les grains de blé dans les champs… De souvenir en souvenir je me suis rappelée qu’à 8 ans avec ma sœur on creusait 40 cm dans le sable, pour trouver une terre glaize jaune dont on faisait des services à thé !

Tout est revenu comme ça en m’interrogeant sur la démarche artistique. Le regard des autres m’a ouvert à ma propre histoire.

Cette signature m’a apporté une légitimité. Les gens me reconnaissent à travers ce travail caractérisé de gravure sur les pièces qui s’est précisé petit à petit. Et le plus important c’est que je me suis rendue compte que je m’éclatais à faire ça, que j’y prenais un vrai plaisir.

L
a céramique c’est l’école de la patience. Tout est là, il n’y a qu’à laisser faire.